
J'ai le DROIT de savoir !
Actualités d'avril 2025
Salarié protégé
pas de démission présumée sans autorisation de l’inspecteur du travail
Rappel des règles applicables
Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai (article L. 1237-1-1 du Code du travail).
En application de l’article R. 1237-13 du Code du travail, dans le cas où le salarié entend se prévaloir auprès de l’employeur d’un motif légitime de nature à faire obstacle à une présomption de démission (…), le salarié indique le motif qu’il invoque dans la réponse à la mise en demeure précitée.
Le représentant du personnel bénéficie d’un statut protecteur imposant à l’employeur d’obtenir une autorisation préalable auprès de l’inspecteur du travail avant de le licencier (article L. 2411-1 du Code du travail), de mettre fin à son CDD (article L. 2413-1 du Code du travail) ou de procédure à une rupture conventionnelle du contrat de travail (article L. 1237-15 du Code du travail).
La Cour de cassation a étendu cette protection à tous les cas de cessation du contrat de travail d’un salarié protégé à l’initiative de l’employeur : rupture de la période d’essai, mise à la retraite…
En revanche, ni le départ volontaire à la retraite, ni la démission d’un salarié protégé ne sont soumis à autorisation préalable de l’inspection du travail.
L’arrêt de la Cour d’appel de Paris répond à la question de savoir si la procédure protectrice s’applique à la nouvelle procédure de présomption de démission d’un salarié protégé.
Quels étaient les faits ayant donné lieu au litige ?
L’employeur sollicite auprès de l’inspection du travail à deux reprises l’autorisation de licencier un salarié protégé, la première fois pour insuffisance professionnelle et la seconde pour faute. Les deux demandes sont rejetées.
Le salarié, mis à pied à titre conservatoire dans le cadre de la deuxième procédure de licenciement ne réintègre toutefois pas l’entreprise malgré un courrier de l’employeur lui demandant de reprendre le travail.
Le salarié répond à la deuxième demande de reprise du travail par l’employeur qu’il est en attente d’une date de réintégration pour être autorisé à reprendre le travail.
L’employeur met alors en place la procédure légale de démission présumée en adressant au salarié une mise en demeure de justifier son absence ou de reprendre le travail, en lui indiquant qu’à défaut de justification légitime, il pourra être considéré comme démissionnaire.
Le salarié répond qu’il ne souhaite pas démissionner.
L’employeur envoie alors un courrier au salarié lui notifiant qu’il est réputé démissionnaire depuis la fin du délai de 15 jours qui lui était imparti pour justifier son absence ou reprendre le travail. La rupture du contrat de travail est actée à la fin du préavis.
Le salarié protégé saisit le Conseil des prud’hommes afin d’obtenir sa réintégration dans l’entreprise et obtient gain de cause en référé, le conseil prononçant la nullité de la rupture du contrat de travail et la réintégration du salarié.
L’employeur saisit la Cour d’appel de Paris au motif que la rupture du contrat de travail par présomption de démission est bien régulière dans la mesure où le salarié n’a pas repris le travail suite au refus de l’autorisation de licenciement par l’inspecteur du travail qui a rendu la mise à pied conservatoire sans effet.
Le salarié met lui en avant plusieurs raisons de fond expliquant qu’il ait refusé de reprendre son poste de travail (une retenue sur salaire injustifiée, un rappel de salaire tardif, l’attente d’une date de réintégration).
Quelle est la solution dégagée par la Cour d'appel ?
La Cour d’appel rejette les arguments de fond du salarié mis en avant pour justifier le motif de son absence (la retenue sur salaire correspondait à la période de mise à pied conservatoire, le salaire correspondant avait été versé au salarié, le salarié était bien attendu à son poste car convié à des réunions et aucune réintégration n’avait à être formalisée par l’employeur) mais rejette la demande de l’employeur sur la forme.
La Cour d’appel constate que si le Code du travail ne prévoit aucune disposition spécifique de demande d’autorisation de rupture pour cause de démission présumée, cette présomption fait intervenir l’employeur dans la rupture du contrat de travail et ne dispense donc pas ce dernier de solliciter l’inspection du travail.
La Cour retient qu’il semble difficile d’imputer l’initiative de la rupture au salarié dans la mesure où son abandon de poste n’apparaissait pas comme volontaire mais résultait d’une mise à pied conservatoire prononcée par l’employeur. Le salarié avait en outre exprimé clairement lors de ses échanges avec l’employeur qu’il ne souhaitait pas démissionner.
La Cour d’appel de Paris tranche finalement clairement la question en retendant que la rupture du contrat de travail étant à l’initiative de l’employeur, elle est nulle pour avoir être menée en violation du statut protecteur sans solliciter l’autorisation de l’inspection du travail.
A noter : il est intéressant de remarquer que dans cet arrêt, conformément à l’article R. 1237-13 du Code du travail, les juges du fond se prononcent uniquement sur les éléments du salarié invoqués pour justifier les raisons de son absence après la mise en demeure de l’employeur de reprendre le travail et écartent ceux invoqués postérieurement à la notification de la présomption de démission par l’employeur.
Juriste
- 5 mai, 2025