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Actualités de juin-juillet 2024
Preuve déloyale
RECEVABILITE D’UN ENREGISTREMENT POUR FAIRE RECONNAITRE UNE FAUTE INEXCUSABLE
Rappel des règles applicables
Depuis un revirement de la Cour de cassation, le juge peut, dans un procès civil, et notamment devant le Conseil des prud’hommes, à la demande d’une des parties, tenir compte d’une preuve déloyale, à savoir recueillie à l’insu d’une personne ou grâce à une manœuvre ou un stratagème (Cass. ass. plén. 22 décembre 2023, n° 20-20.648).
La recevabilité d’une telle preuve est cependant soumise à des conditions strictes :
- La production de la preuve doit être indispensable, à savoir la seule preuve possible pour établir la vérité ;
- L’atteinte aux droits (vie privée…) doit être strictement proportionnée au but poursuivi.
Quels étaient les faits ayant donné lieu au litige ?
Un salarié déclare avoir été victime d’un accident du travail à la suite de violences verbales et physiques commises par le gérant d’une entreprise, accident reconnu par la CPAM.
Il saisit les juges en reconnaissance de faute inexcusable de l’employeur et produit comme preuve à l’appui de sa demande la retranscription, par un huissier de justice, d’un enregistrement sonore de l’altercation réalisé à l’insu du gérant, à l’aide de son téléphone portable.
S’appuyant sur cet enregistrement, la Cour d’appel accède à la demande du salarié et l’employer se pourvoit en cassation en invoquant le procédé déloyal d’obtention de la preuve.
Quelle est la décision dégagée par la Cour de cassation ?
La Cour de cassation rejette le pourvoi de la société et valide le raisonnement de la Cour d’appel en rappelant le revirement de jurisprudence qu’elle a opéré le 22 décembre 2023 et le fait que le caractère déloyal de la preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats et qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier si cette preuve porte une atteinte excessive au caractère équitable de la procédure dans son ensemble.
La Cour de cassation constate que les juges du fond ont relevé les éléments suivants :
- La victime produit un PV de dépôt de plainte et deux certificats médicaux, ainsi qu’un PV d’huissier de justice retranscrivant un enregistrement effectué sur son téléphone portable lors des faits ;
- Au moment des faits, trois collègues de travail de la victime ainsi qu’un client de l’entreprise, associé avec le gérant dans une autre société, étaient présents sur les lieux. Cependant, au regard des liens de subordination unissant les premiers avec l’employeur et du lien économique du second avec le gérant, la victime pouvait légitimement douter qu’elle pourrait se reposer sur leur témoignage ;
- L’altercation enregistrée est intervenue au sein de la société, dans un lieu ouvert au public, au vu et au su de tous, et notamment de trois salariés et d’un client de l’entreprise ;
La victime s’est bornée à produire un enregistrement limité à la séquence des violences qu’elle indique avoir subi et n’a fait procéder au constat de la teneur de cet enregistrement par un huissier de justice que pour contrecarrer la contestation de l’employeur quant à l’existence de l’altercation verbale et physique.
Juriste
- 8 juillet, 2024