Les dettes contractées frauduleusement, l'effacement après la clôture du rétablissement personnelle
Lorsqu’une dette est contractée de bonne foi, elle peut, dans certaines conditions, faire l’objet d’un effacement par une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou avec liquidation judiciaire lorsque le surendetté possède un patrimoine pouvant être vendu. Cette procédure est engagée par la commission de surendettement, avec l’accord du surendetté. Cette procédure peut être envisagée lorsque le débiteur se trouve dans la situation irrémédiablement compromise, qu’il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante ou que l’actif comprend que de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. (Articles L741-1, L741-2 et L742-1 du Code de la consommation).
La condition pour que la demande de rétablissement personnel soit recevable est d’être de bonne foi, conformément à l’article R724-4 du Code de la consommation.
Ainsi, si le débiteur est de mauvaise foi et « qu’il a organisé frauduleusement son appauvrissement dans le but d’échapper à l’obligation de payer certaines condamnations de nature financière » il peut être sanctionné pénalement. (Article 314-7 du Code pénal).
Exemples d'actes frauduleux
- Donation (Cass. crim., 23 août 1994, no 93-85.155) ou donation d’immeuble (Cass. crim., 5 avr. 2005, no 04-82.475)
- Virements bancaires sur le compte d’ascendants (Cass. crim., 23 mai 2012, no 11-83.901)
- Démissionner de son emploi (Cass. crim., 1er févr. 1990, no 88-83.998), ou même renoncer volontairement à un emploi rémunéré (Cass. crim., 25 nov. 1992, no 91-86.490)
- « Le fait pour un débiteur d’aliments de déclarer de très faibles ressources, en réalité compensées par des avantages en nature considérables non révélés » (Cass. crim., 29 juin 2016, no 14-84.037)
Remboursement et sanctions
Ce délit peut être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’organisation frauduleuse de son appauvrissement est caractérisée lorsqu’un débiteur organise ou aggrave son insolvabilité et ce même avant une décision judiciaire constatant sa dette. Cela suppose que le débiteur soit déjà insolvable et que ses agissements aient accru l’écart entre l’actif et le passif.
Les juges apprécient de la bonne ou mauvaise foi au cas par cas, et ont tantôt condamné le débiteur uniquement sur les actes frauduleux sans avoir constaté l’état d’insolvabilité préalable (Cass. crim., 12 sept. 2012, no 11-87.214 ; Cass. crim., 22 nov. 2011, no 10-81.562), tantôt condamné le débiteur en analysant l’état d’insolvabilité préalable (Cass. crim., 25 avr. 2006, no 05-80.931).
« Le silence gardé par un débiteur sur un élément d’actif de son patrimoine ou la minoration de son évaluation est sans effet sur la solvabilité et ne peut en conséquence caractériser le délit » (Cass. crim., 9 sept. 2020, no 19-84.295).
Dans le cas de dettes contractées frauduleusement, le créancier pourra toujours obtenir leur remboursement. Il dispose d’une action pour faire annuler un acte conclu par le débiteur en fraude de ses droits, c’est l’action Paulienne. (Article 1231-2 du Code civil). Le créancier peut engager cette action judiciaire envers le débiteur s’il le suspecte d’avoir organisé son insolvabilité ou d’avoir réduit la valeur de son patrimoine, dans le but de ne pas honorer ses dettes et de rendre vain l’exercice de toute voie d’exécution. Le déclenchement d’une action paulienne rend coresponsables le débiteur et le tiers auprès duquel l’acte a été contracté (Article 314-8 du Code de la consommation).
Marianne Darmon
Juriste