J'ai le DROIT de savoir !
Actualités de décembre 2024
Licenciement salarié protégé
plus de reclassement en cas d’insuffisance professionnelle
RAPPEL DES RÈGLES APPLICABLES
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi. Elle doit être distinguée de la faute professionnelle justifiant un licenciement disciplinaire.
Lorsqu’il s’agit d’un salarié protégé, l’employeur doit demander à l’inspecteur du travail l’autorisation de le licencier et en application de la jurisprudence jusque-là appliquée par le Conseil d’État, l’inspecteur doit notamment vérifier que l’employeur a procédé à une réelle recherche de « reclassement » préalable du salarié (CE, 27 sept.1989, n° 91613 ; CE, 7 déc. 2009, n° 315599 ; CE, 25 nov. 2019, n° 418025).
Le Conseil d’Etat revient sur cette jurisprudence.
Quels étaient les faits ayant donné lieu au litige ?
Une entreprise conteste le refus par l’inspecteur du travail d’une autorisation de licencier un salarié protégé pour insuffisance professionnelle.
Le Ministre du travail et le Tribunal administratif confirment le refus d’autorisation mais la Cour administrative d’appel de Versailles annule ces décisions.
Après avoir retenu que l’insuffisance professionnelle était suffisamment caractérisée en l’espèce, la Cour relève que l’employeur a bien rempli son obligation « d’adaptation et de formation ».
La Cour indique ensuite qu’« aucun texte législatif ou réglementaire ni aucun principe n’impose une obligation de reclassement à un employeur qui souhaite licencier un salarié auquel il reproche une insuffisance professionnelle, les dispositions du code du travail ne prévoyant une telle obligation que dans les hypothèses où le licenciement est justifié soit par un motif économique soit par l’inaptitude physique du salarié ».
Quelle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat ?
Le Conseil d’Etat retient en premier lieu, à propos de l’insuffisance professionnelle, qu’« il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si cette insuffisance est telle qu’elle justifie le licenciement ».
A ce titre, il appartient à l’administration de prendre en considération, outre les exigences propres à l’exécution normale du mandat dont le salarié est investi, l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et de s’assurer que l’employeur a pris les mesures propres à satisfaire à son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et envisagé, le cas échéant, de lui confier d’autres tâches susceptibles d’être mieux adaptées à ses capacités professionnelles.
Le Conseil retient ensuite que la Cour administrative d’appel n’a pas recherché si l’employeur avait pris les « mesures propres à satisfaire à son obligation d’assurer l’adaptation du salarié à son poste de travail et envisagé, le cas échéant, de lui confier d’autres tâches susceptibles d’être mieux adaptées à ses capacités professionnelles ».
Le Conseil d’Etat opère ainsi un revirement de jurisprudence en considérant qu’il n’y a plus pour l’employeur d’obligation de reclassement, mais seulement une obligation d’adaptation, laquelle doit être respectée et dûment contrôlée par l’autorité administrative. A défaut, l’autorisation de licenciement doit être refusée (ou annulée).
A noter : à titre d’exemple, il a été jugé par la Cour de cassation que l’obligation d’adaptation n’est pas respectée lorsque l’employeur n’a pas mis en place la formation spécifique et l’accompagnement suffisants qu’exigeait l’exécution de tâches nouvelles sur un nouveau logiciel (Cass. soc., 20 mai 2009, n° 07-42.945).
Juriste
- 10 janvier, 2025