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Actualités de juin-juillet 2024
Droit de retrait
Le salarié protégé peut être licencié en cas d'abus
Rappel des règles applicables
En application de l’article L. 4131-1 du Code du travail, un salarié peut se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
S’il remplit ces conditions, l’exercice du droit de retrait ne peut entrainer aucune sanction ou retenue sur salaire (article L. 4131-3 du Code du travail).
En application de la jurisprudence de la Cour de cassation, l’utilisation injustifiée par un salarié de ce droit de retrait peut fonder un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 21 janvier 2009, n° 07-41.935), ou encore une retenue sur salaire pour défaut d’exécution du travail (Cass. soc., 22 mai 2024, n° 22-19.849).
QUELS ÉTAIENT LES FAITS AYANT DONNE LIEU AU LITIGE ?
L’employeur d’un chauffeur-livreur représentant du personnel dans une entreprise de transport, de manutention et de stockage de matières dangereuses, fait une demande d’autorisation de licenciement pour faute de ce salarié auprès de l’inspecteur du travail, au motif que ce dernier a exercé son droit de retrait de façon abusive.
L’inspecteur du travail retient que l’exercice à deux reprises par le salarié représentant du personnel du droit de retrait sont des faits d’une gravité suffisante justifiant son licenciement et fait droit à la demande de l’employeur.
Le représentant du personnel saisit le Tribunal administratif et la Cour administrative d’appel afin de contester l’autorisation de son licenciement au motif que l’exercice de son premier droit de retrait était fondé sur l’existence d’un danger grave et imminent résultant du fait que son employeur n’avait pas mis à sa disposition un pull et un tee-shirt en complément de sa veste et de son pantalon de protection et que le deuxième était motivé par la circonstance que la tenue de protection mise à sa disposition était sale.
Sa demande est rejetée et il se pourvoit alors devant le Conseil d’État.
QUELLE EST LA SOLUTION DEGAGEE PAR LA COUR DE CASSATION ?
Le Conseil d’Etat précise en premier lieu qu’il appartenait à l’inspecteur du travail de rechercher si le représentant du personnel justifiait d’un motif raisonnable de penser que la situation de travail présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé, pouvant justifier l’exercice d’un droit de retrait.
Puis, si ce n’était pas le cas, de vérifier que la faute commise par l’intéressé du fait de l’exercice abusive du droit de retrait était d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.
Le Conseil d’Etat retient à ce titre que les juges du fond exercent un entier contrôle sur l’appréciation portée par l’inspecteur du travail sur le respect des modalités d’exercice du droit d’alerte.
Dans cette affaire, les juges du fond avaient estimé, dans un premier temps, que le salarié n’avait pas de motif raisonnable de penser être exposé à l’existence d’un danger grave et imminent. Puis, dans un second temps, ils ont considéré que l’utilisation abusive à deux reprises de son droit de retrait, combinée à son refus de venir travailler une journée sans motif légitime, était suffisamment grave pour justifier le licenciement pour faute du salarié protégé.
Le Conseil d’Etat retient que n’est donc pas fondée la demande du salarié en annulation de la décision de l’inspection du travail autorisant son licenciement, dès lors que ses manquements, qui se sont succédé sur une courte période, étaient constitutifs d’un ensemble de fautes d’une gravité suffisante pour justifier la rupture de son contrat de travail.
Juriste
- 8 juillet, 2024