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Actualités de novembre 2023
Expertise
L'employeur a dix jours pour contester le principe même de son paiement
RAPPEL DES RÈGLES APPLICABLES
Lorsque le CSE décide de recourir à un expert dans le cadre des consultations récurrentes sur la situation économique et financière ou sur la politique sociale de l’entreprise, c’est l’employeur qui doit financer l’intégralité des frais d’expertise (article L. 2315-80 du Code du travail).
Au contraire, les expertises auxquelles a recours le CSE pour préparer ses travaux sont intégralement financés par le comité (article L. 2315-81 du Code du travail).
En application de l’article L. 2315-86 du Code du travail, l’employeur saisit le juge judiciaire dans un délai de dix jours (R. 2315-49 du Code du travail) courant à compter de :
1° La délibération du CSE décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
2° La désignation de l’expert par le CSE s’il entend contester le choix de l’expert ;
3° La notification à l’employeur du cahier des charges s’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise ;
4° La notification à l’employeur du coût final de l’expertise s’il entend contester ce coût.
QUELS ÉTAIENT LES FAITS AYANT DONNE LIEU AU LITIGE ?
Le CSE vote le recours à deux expertises aux mois de février et mars 2019 : la première en vue de la consultation annuelle obligatoire sur la situation économique et financière de l’entreprise et la seconde en vue de la consultation annuelle obligatoire sur la politique sociale.
À l’issue de ces deux expertises, l’expert adresse sa facture définitive à l’employeur le 25 juillet 2019.
Le 2 août 2019, l’employeur saisit le Tribunal judiciaire afin d’obtenir l’annulation des deux délibérations recourant à l’expertise, au motif que ces expertises n’entraient pas dans le cadre des consultations annuelles obligatoires dont se prévalait le comité, mais constituaient des expertises « libres » dont il n’avait pas à prendre en charge le coût.
En effet, selon l’employeur, l’expertise sur la situation économique avait été votée avant la transmission des comptes, et celle sur la politique sociale avant le dépôt des documents d’information utiles au sein de la BDESE.
Le Tribunal Judiciaire rejette sa demande pour cause de forclusion (action intentée trop tard) au motif que l’employeur conteste le principe du paiement de l’expertise et qu’il s’agit donc d’une action en contestation de la nécessité de l’expertise et non de son coût final.
L’employeur devait donc saisir le Tribunal dans les dix jours suivant la délibération du CSE décidant du recours à expertise. Les délibérations ayant eu lieu aux mois de février et mars, l’action de l’employeur était ainsi forclose pour le Tribunal puisque l’employeur l’avait saisi le 2 août pour contester des délibérations des mois de février et mars.
L’employeur saisit la Cour de cassation au motif qu’il n’a été mis en mesure d’agir, pour contester le principe du paiement de l’expertise, qu’au moment où il lui a été demandé de payer le coût final, à savoir le 25 juillet.
QUELLE EST LA SOLUTION DEGAGEE PAR LA COUR DE CASSATION ?
La Cour de cassation valide la décision du Tribunal Judiciaire en retenant que l’action de l’employeur est une action en contestation de la nécessité de l’expertise dans la mesure où il ne conteste ni le montant des factures qui lui ont été adressées, ni le coût final des expertises, mais bien le principe de son paiement.
La Cour considère que le Code du travail ne prévoyant pas le cas d’une telle contestation, elle se rattache de manière la plus proche à la contestation prévue au 1° de l’article L. 2315-86 du Code du travail, à savoir la contestation de la nécessité de l’expertise qui doit être introduite dans un délai de 10 jours courant à compter de la délibération du CSE décidant le recours à cette ‘expertise.
Ainsi, l’employeur qui avait été informé des délibérations adoptées par le CSE et de leurs conséquences, notamment du fait qu’il devrait prendre en charge le montant des expertises ordonnées en vue des consultations récurrentes lors des réunions des mois de février et mars 2019, avait été mis en demeure de connaître la nature et l’objet des expertises dès les délibérations du CSE et aurait dû engager son action dans les 10 jours suivant.
La cour en déduit que Le Tribunal a exactement considéré la saisine de l’employeur du 2 août 2019 aux fins de contester la nature des expertises comme irrecevable pour cause de forclusion.
Nathalie AUDIER
Juriste