Bâtir la société du bien-vieillir et de l'autonomie
Proposition de loi portant sur la mesure
La population française est en plein vieillissement, un phénomène qui soulève des défis économiques, sociaux et sanitaires majeurs. En effet, le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus devrait augmenter de manière significative dans les prochaines années. Cette évolution démographique amène à poser la question essentielle du « bien-vieillir » et de l’autonomie des personnes âgées.
Contexte de la loi du 8 avril 2024
Selon l’Insee, 21,3% des habitants ont 65 ans ou plus en France au 1er janvier 2023. D’ici 2030, les plus de 65 ans seront plus nombreux (baby-boom) que les moins de 15 ans et d’ici 2070 la population des plus de 75 ans pourrait doubler. De plus une étude (2020) de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (DREES) d’Eurostat démontre que l’espérance de vie en France est plus élevée qu’un bon nombre de ses voisins Européens (Danemark, Suède, Espagne…) mais que l’espérance de vie sans incapacité (EVSI), c’est-à-dire en bonne santé et sans être « limité », est cependant moins bonne que dans ces même autres pays européens (et représentent donc un coût plus important en soins).
Adoptée dans ce contexte de vieillissement rapide de la population française la « Loi pour bâtir la société du bien-vieillir et de l’autonomie« , promulguée le 8 avril 2024 et publiée au Journal officiel du 9 avril 2024, s’inscrit dans une série de réformes visant à adapter la société aux besoins croissants des personnes âgées. Le législateur a reconnu la nécessité de créer un cadre législatif plus rigoureux afin de soutenir l’autonomie des seniors et améliorer leur qualité de vie, tout en renforçant les dispositifs de protection sociale. Certaines mesures ont déjà été récemment appliquées (comme l’article 16,II,4°,a) en juin 2024 ou l’article 21,II,2° appliqué par le décret n°2024-754 du 7 juillet 2024) mais une majorité auront une entrée en vigueur différée en janvier 2025 (de nombreuses publications sont envisagées entre octobre 2024 et octobre 2025).
Le « bien-vieillir » désigne un ensemble de conditions permettant aux personnes âgées de maintenir leur qualité de vie, leur autonomie, et leur inclusion sociale. Il s’agit notamment d’assurer un accès aux soins appropriés, de promouvoir un environnement adapté et de renforcer les dispositifs de soutien aux aidants familiaux. La question de l’autonomie est centrale, car elle détermine la capacité des personnes âgées à vivre de façon indépendante et à participer pleinement à la société (sentiment d’appartenance).
Les objectifs de la loi
La proposition de loi vise à répondre aux défis du vieillissement en structurant une approche globale du bien-vieillir et de l’autonomie. Les principaux objectifs sont les suivants :
- Promouvoir un environnement favorable au bien-vieillir
Cette mesure prévoit l’adaptation des logements, l’amélioration de l’accessibilité des espaces publics, et le développement de services de proximité (comme des transports et espaces publics adaptés) pour faciliter la vie quotidienne des seniors. La loi proposerait également la création d’un label « Ville amie des aînés » pour la reconnaissance et gratification des collectivités locales s’engageant à mettre en place des politiques favorables au vieillissement.
- Renforcer les dispositifs de soutien à l’autonomie
Afin de maintenir l’autonomie des personnes âgées (plus de 9 français sur 10 souhaitant vieillir chez soi), la proposition de loi envisage de renforcer les aides existantes, telles que l’Allocation personnalisée d’autonomie (APA), et de développer des dispositifs innovants comme les technologies de l’assistance à domicile (comme la téléassistance). De plus, elle prévoit un soutien accru aux aidants familiaux par la reconnaissance de leur rôle et l’accès à des formations spécifiques.
- Améliorer l’accès aux soins et à la prévention
La proposition insiste sur la nécessité de renforcer l’accès aux soins pour les personnes âgées, notamment en zones rurales ou en situation de précarité. Elle inclut aussi des mesures de prévention pour lutter contre la perte d’autonomie, telles que la promotion de l’activité physique et des campagnes de sensibilisation sur la nutrition.
Principales dispositions de la loi
La loi du 8 avril 2024 prévoit plusieurs dispositions comme notamment (liste non exhaustive) :
- La création du Fonds pour l’Autonomie et le Bien-Vieillir (FABV), un fonds dédié au financement des initiatives innovantes en matière de soutien à l’autonomie (notamment dans le domaine de la technologie, d’assistance ou de l’adaptation des logements). Ce fonds est alimenté par des contributions publiques et privées et vise à financer des projets locaux, des recherches sur le vieillissement et des programmes de formation pour les professionnels du secteur.
- Des mesures d’aménagement du cadre de vie comme des mesures d’adaptation des logements aux besoins des personnes âgées (pour qu’ils soient adaptés en cas de canicule), avec des subventions et des crédits d’impôt pour les travaux d’adaptation. Elle encourage également le développement de logements intergénérationnels ou habitats inclusifs (logements dans lesquels les personnes vivent seules, en couple en colocation et partagent des espaces communs avec d’autres résidents dans un environnement adapté et sécurisé) et de services de proximité afin de maintenir le lien social et lutter contre l’isolement social (en cas de crise sanitaire par exemple).
- Le renforcement des droits des aidants (soutien aux aidants familiaux) est également un des axes majeurs de cette loi. Un « droit au répit » est introduit et permet aux aidants de bénéficier de périodes de repos avec un soutien temporaire pour la personne aidée, et prévoit des dispositifs de formation et de reconnaissance de leur statut et de leur rôle dans la société. Des mesures sont mises en place pour les aides à domicile avec la délivrance d’ici à 2025 d’une carte professionnelle et des aides financières de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) afin de favoriser l’obtention du permis de conduire par exemple pour ces personnes aidantes.
- La mise en œuvre de parcours de soins adaptés et spécifiques pour les personnes âgées, avec une coordination renforcée entre les professionnels de santé (médecins, infirmiers…), les services sociaux et les dispositifs d’accompagnement à domicile. Cela inclut la mise en place d’un Service Public Départemental de l’Autonomie (SPDA), sorte de « guichets uniques » pour simplifier les démarches administratives des seniors et de leurs familles.
- La prévention de la perte d’autonomie, avec le renforcement des campagnes nationales mettant en avant une vie active et une alimentation saine parmi les seniors (la quantité et la qualité nutritionnelle des repas est notamment revue et fixée dans un cahier des charges afin de lutter contre la dénutrition favorisant la perte d’autonomie).
- La lutte contre les maltraitances et pour les droits des personnes en établissement de santé ou en Ehpad. En effet, cette loi met en place plusieurs mesures comme notamment un droit de visite quotidien de toute personne qu’elles consentent à voir (même en cas de crise sanitaire si la personne est en soin palliatif ou fin de vie), le droit d’accueillir son animal de compagnie (sous réserve de pouvoir assurer les besoins de l’animal et les mesures d’hygiènes), la mise en place d’une cellule de recueil des alertes en cas de maltraitance (physiques ou psychologiques) des personnes âgées ou vulnérables… De nouvelles mesures sur l’évaluation des Ehpad (budget, nombre d’employés, quota minimal de place…) Sont également mises en place afin de maximiser la qualité du service et du confort.
Fondement juridique
Cette loi du 8 avril 2024 s’appuie sur plusieurs textes fondamentaux du droit français et international, qui soulignent l’importance de la dignité humaine et de la solidarité envers les personnes vulnérables comme :
- Le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui affirme dans son alinéa 11 que « la Nation garantit à tous […] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs« . Ce principe justifie l’obligation pour l’État de mettre en place des politiques de protection et d’accompagnement des personnes âgées.
- L’article 25 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne intitulé « Droits des personnes âgées » reconnaît « le droit des personnes âgées à mener une vie digne et indépendante et à participer à la vie sociale et culturelle ». Ce texte est un fondement essentiel pour toute législation visant à améliorer les conditions de vie des seniors.
On peut également considérer que, tout en les adaptant aux nouveaux défis posés par le vieillissement de la population, la loi du 8 avril 2024 s’inspire et renforce de nombreux textes de loi existants plus récents comme :
- La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale qui encadre les actions des établissements et services intervenant auprès des personnes âgées et handicapées. Cette loi met l’accent sur la qualité des prestations et le respect des droits des usagers, servant de base juridique pour les mesures de soutien à l’autonomie prévue dans la loi du 8 avril 2024.
- La loi n°2015-1776 relative à l’Adaptation de la Société au Vieillissement du 28 décembre 2015 qui a posé les bases pour anticiper les besoins des personnes âgées, adapter les infrastructures et renforcer l’accompagnement des seniors.
Ainsi, la loi du 8 avril 2024 représente une étape importante dans la transformation des politiques publiques françaises en faveur des personnes âgées. En renforçant les dispositifs de soutien à l’autonomie, en améliorant les conditions de vie des seniors et en soutenant les aidants familiaux, elle renforce les bases d’une société mieux préparée au vieillissement de sa population. Cette loi s’inscrit dans une volonté de modernisation et de solidarité, visant à garantir à chaque citoyen un vieillissement digne et autonome.
Cette législation illustre la manière dont le cadre juridique évolue pour répondre aux besoins changeants de la société, en mettant l’accent sur l’anticipation et la préparation des défis liés au vieillissement.
Emilie PECHNIK
Solucia SPJ